« Je m’appelle Carole et j’ai passé les 70 premières années de ma vie en tant qu’homme. » C’est ainsi qu’a débuté le courageux témoignage de cette femme venue partager son parcours aux participants d’un atelier ConnectAînés sur les réalités des aînés LGBTQ+. Nous vous présentons son témoignage dans le cadre du Mois de la Fierté (juin).
« C’est après un AVC, événement traumatisant, que j’ai commencé ma transition. Après avoir frôlé la mort, j’ai décidé de ne plus vivre ma vie cachée. J’en ai parlé au médecin qui me soignait. Sans attente, je me suis livrée et je lui ai raconté ma vie. Elle m’a écoutée, puis s’est levée, m’a prise dans ses bras et m’a dit : à partir d’aujourd’hui, les choses vont changer. Mon histoire débute à l’école primaire. Les garçons étaient utilisés pour jouer des rôles de filles dans les pièces de théâtre et je me prêtais toujours au jeu.
Puis, plus tard, quand mes parents étaient partis, je portais les robes et les souliers de ma mère. En vieillis-sant, je me suis questionnée à savoir pourquoi j’aimais tant mettre des vêtements féminins. Mais je n’avais pas de réponse. À l’époque, un homme aimait une femme et avait des enfants. Il n’y avait pas d’autres possibilités.En 1967, après mes études, j’ai déménagé à Montréal pour l’Expo. Il y avait du monde de partout et je profitais de mes congés pour m’habiller en femme et aller à l’Expo.
Or, ce questionnement revenait toujours me hanter : pourquoi j’aimais être une femme, sans aimer les hommes? Malheureusement, Google n’exis-tait pas à cette époque. Il n’y avait aucune réponse.Plusieurs fois au cours de ma vie, j’ai acheté du maquil-lage, des robes, des bijoux. Mais devant mes inquiétudes, je jetais tout à la poubelle, puis ça recom-mençait. J’ai dépensé une fortune dans ce petit manège, que j’ai reproduit une centaine de fois entre 1969 et 2015.
En 1969, j’ai déménagé à Trois-Rivières et je suis devenu policier et ce, pendant 39 années de ma vie. J’ai gravi tous les échelons pour me retrouver directeur de trois services de police.En 1980, je me suis mariée. J’ai eu deux enfants. (…)Après mon AVC et après plusieurs rencontres avec médecins et sexologues, j’accepte ma condition de dystrophie de genre, et je déballe tout à ma femme dans une lettre. Celle-ci éclate en pleurs et demande le divorce sur le champ. Je suis complètement démolie, détruite, je pense avoir tout perdu. Or, le soir même, elle revient et me demande de reprendre la conversa-tion. Nous avons su reconstruire notre relation. Nous fêterons nos 40 ans de mariage. Au début, elle ne voulait pas me voir en femme, et aujourd’hui, on s’échange des robes. On fait exactement ce que deux filles qui s’aiment font.
Mes enfants ont aussi été informées. La première a été choquée, puis est revenue en me disant qu’elle m’aimait. Aujourd’hui, elle est ma plus grande alliée. La deuxième est policière; elle m’aime pour qui je suis et ses deux enfants à elle m’appellent Mapi (ni papi, ni mami). Je m’appelle Carole. Je n’ai pas vécu ma vie comme j’aurais voulu la vivre, mais je mourrai comme il se doit, comme une femme. »